Sauterelles et miel sauvage Partie 6 : MEURTRE DE CONSCIENCE (Mc 6,17-29)

Chers amis,

Pendant le Carême 2021, nous avons proposé en Allemagne un itinéraire spirituel à travers le Carême pour les membres de l'Ordre, les jeunes et les œuvres. Il s'intitulait "Sauterelles et miel sauvage" (Mt 3,4) - Jeûner avec Jean-Baptiste. Grâce à Emilie Verbeken, ces impulsions hebdomadaires ont également trouvé un écho en Belgique. C'est ainsi qu'est née l'idée de proposer et de publier les méditations de jeûne sur Jean-Baptiste pour les personnes intéressées dans d'autres pays. Je remercie chaleureusement Emilie Verbeken et Florentine Haeusgen pour cette idée et sa réalisation - surtout pour la traduction de l'allemand vers le français et l'anglais. Ce serait bien si, de cette manière, notre Saint Patron pouvait nous aider à vivre une période de conversion fructueuse.

A tous un temps de Carême béni et un renouveau de l'âme et du corps,

Fra' Georg Lengerke

Jean le Baptiste meurt au cours d'une dispute. Il y est question d'amour et de fidélité, de passion et de bonheur, de sexe et de pouvoir, de son usage et de son abus. Même si le roi Hérode est un contemporain antipathique, pour comprendre Jean le Baptiste, il m'est utile de me mettre à la place du tyran et de m'interroger sur ce en quoi je lui ressemble.

La confrontation avec Jean le Baptiste porte sur une question apparemment très privée. « Car Jean avait dit à Hérode : Il ne t'est pas permis d'avoir pour femme la femme de ton frère » (Mc 6,18). La femme n'a pas pardonné au Baptiste cette intervention. La réaction de son mari n'est pas rapportée. Hérode aurait peut-être répliqué : « Qu'est-ce que cela peut bien te faire? » Il aurait probablement aussi adhéré au slogan : « Love is no sin ! » (« L'amour n'est pas un péché ! »), qui est désormais souvent cité pour protester contre la discrimination.

Ce dernier point est une bonne préoccupation. Mais le proverbe est-il vrai ? Pour qui connaît les abîmes humains de l'amour, cette phrase ne passe pas par les lèvres. Les gens font des choses terribles par amour : ils s'introduisent dans un mariage par amour. Par amour, ils privent des enfants de l'un de leurs parents. Ils font tuer par amour des membres de leur famille atteints d'une maladie incurable ou qui ne sont pas encore nés. Et combien d'entre vous ont déjà été trahis, abandonnés et délaissés par amour ? Love is no sin, dit le roi Hérode. Sin is no love, répond Jean le Baptiste.

L'amour peut être quelque chose de sacré et de grand ou quelque chose de pernicieux et de mortel - pour celui qui aime ou pour celui qui est aimé. Tout dépend de ce dont il s'agit. Dans la Divine Comédie de Dante (1321), il est dit que le péché est l'amour mal placé.

Hérode le sait en réalité. L'affrontement mortel pour Jean n'est pas seulement un affrontement entre le prophète et le roi. Il s'agit d'un conflit en la personne d'Hérode. L'évangéliste écrit qu'Hérode craignait Jean et qu'en même temps il l'écoutait volontiers (Mc 6,20). La crainte et la sympathie. Il devait y avoir chez Hérode, dans la lutte entre l'intelligence et le bas-ventre, entre l'amour et l'instinct, un reste d'affinité pour le bien et de nostalgie pour la parole et la volonté de Dieu.

Hérode sait manifestement qu'il y a de bons sentiments qui sont mauvais et de mauvais sentiments qui sont bons. La vengeance peut être un sentiment gratifiant, mais elle est mauvaise. La rumeur presque charnelle d'un mensonge est, quant à elle, extrêmement désagréable. Mais en même temps, c'est le signe d'une conscience qui fonctionne bien.

Ensuite, la fille de sa maîtresse danse, et Hérode lui promet tout - jusqu'à la moitié de son royaume. La jeune fille veut la tête du Baptiste et quelque chose d'étranger à Hérode l'emporte : « Parce qu'il avait fait un serment devant tout le monde », Hérode fait décapiter Jean. La haute société de Jérusalem est réunie. Devant les classes supérieures du peuple d'Israël, sa réputation et son prestige sont en jeu. Mais Hérode ne veut pas perdre la face - même si c'était un faux visage.

Cela existe encore aujourd'hui au sein du peuple de Dieu, et ce dans tous les rangs : que nous ne voulons pas perdre notre réputation auprès de la majorité et que nous sommes prêts à tout pour cela. Mieux vaut que meure la vérité que notre bonne réputation. Mieux vaut que meure la voix de la conscience dans le cachot de notre âme que l'approbation du peuple. Le parti a toujours raison.

Hérode aurait préféré perdre son faux visage devant le peuple plutôt que la vraie voix dans son cœur. Mieux vaut sa réputation dans la société de Jérusalem que l'appel du cachot de son âme qui lui rappelle la vérité de Dieu.

Nous pourrions dire : la façon dont vit Hérode ne nous concerne pas. Nous pourrions dire : l'avenir du peuple de Dieu ne dépend pas de telles questions. Mais est-il vraiment possible que Jean le Baptiste ne soit mort que pour une affaire privée et secondaire ?

Fra' Georg Lengerke